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Considérations (presque) quotidiennes
19 octobre 2019

Point relais

Ce matin, après avoir déposé mon fils au handball, je suis allé chercher un colis.
Avant on allait à la poste. Maintenant on va à peu près n'importe où. Dans un café, une blanchisserie, un bijoutier... Tous les commerces sont susceptibles de grignoter peu à peu le rôle naguère confié à la Poste. C'est ainsi. Au moins le lien social est un peu assoupli, et tout le monde profite de l'explosion des livraisons que le Net a rendu possible.
Ce matin, c'est dans un bureau de tabac que je me rendais. Une courageuse buraliste qui vend d'ailleurs un peu de tout: quelques journaux, des jouets, de la papeterie, des glaces... Et un peu d'alcool. Le type devant moi, un petit roudouillard visiblement peu réveillé, était en train d'acheter deux canettes de Heineken. Manifestement il connaissait les lieux et les employés.
Donc oui, à 9h30 du mat', acheter deux grandes canettes. C'est peu banal, me suis-je dit.
Mais deux pensées me sont venues:
1/ qu'est-ce que ça peut te foutre ?
2/ qu'est-ce qui te dit que c'est pour là maintenant tout de suite, et pas pour ce soir devant un match avec des potes ?

Bref. J'ai pris mon colis et je suis reparti.
Et en montant dans ma voiture, je l'ai vu, ce monsieur, qui devait avoir mon âge, ou pas loin. Il était au coin du magasin, dehors, et il sifflait ses bières avec un plaisir visible. Il m'a vu, a dû sentir que je l'observais du coin de l'oeil (la discrétion, ça a jamais trop été mon truc), et il s'est tourné, visiblement honteux. 
Je n'ai rien dit. J'ai fait comme si de rien. Je suis reparti à la maison retrouver ma femme et jouer avec ma fille en attendant de retourner chercher le fiston une heure et demie plus tard. 
Il ne faudrait pas que je le juge, cet homme d'aà peu près mon âge. Il ne faudrait pas que j'en fasse un cassos, que je me moque de son embonpoint, de ses fringues sales, de son besoin de picoler dès le matin sans même attendre de rentrer chez lui. D'ailleurs, a-t-il un chez lui ? Quels traumatismes, quelles violences ce gars a-t-il besoin d'oublier derrière une mauvaise bière tiède sifflée en dix minutes ? 
C'est en me disant cela que j'ai senti la barrière fine, très fine, entre l'humanité et l'intolérance.
Qu'il est facile, très facile, de devenir con et supérieur.

 

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